mardi 7 mars 2017

Histoire de coquilles

Louis Guéry,
Dictionnaire des règles typographiques,
Victoires éditions, 290 pages, 24,40 €
Aux lecteurs qui s'alarment, à bon droit, du nombre de coquilles, mastics, impropriétés, bourdons, doublons, omissions, fautes de grammaire et autres cheminées, veuves et orphelines qui constellent les ouvrages présentés à son étal, le libraire tient à déclarer : rassurez-vous ! 
Ce trait aussi fâcheux qu'irritant n'est pas le propre de notre époque.
Chez Giacomo Leopardi, dont nous avons fait la connaissance il y a peu de jours (le 5 mars, très précisément), on peut lire dans une lettre du 4 mars 1826 qu'il destine à un certain Gian Pietro Vieusseux la lamentation qui suit :

" Mon cher, très aimable et très estimé Monsieur.
Je vous remercie de l'honneur que vous avez fait à mes dialogues en les publiant dans votre journal. Je me suis toutefois rendu compte que je n'ai pas su bien expliquer à Giordani mes intentions à ce sujet. J'ai également été un peu mortifié par les nombreuses et terribles fautes qui se sont glissées dans le texte pendant l'impression (au point que souvent je ne me comprenais pas moi-même en me relisant), ainsi que par l'orthographe barbare qui y règne. " Et il poursuit : Bien que l'article qui me concerne porte le titre de premier extrait, je ne pense pourtant pas que vous ayez l'intention de publier d'autres dialogues, dont vous n'avez plus d'exemplaire puisque vous m'avez renvoyé mon manuscrit, que je vous sais infiniment gré de m'avoir promptement réexpédié. S'il en allait autrement, je vous prierais, si cela ne vous dérange pas, de suspendre pour le moment cette  publication. "
Comme cela est courtoisement, mais nettement, exprimé !

lundi 6 mars 2017

La Semaine de la poésie vous invite

 
 
Vous êtes, bien entendu, tous conviés à la soirée d'inauguration du festival qui aura lieu
ce vendredi 10 mars à 18h
au sein de l'ESPE de Chamalières (36, avenue Jean-Jaurès).

 
C'est avec
Albane Gellé, Ludovic Degroote, Antoine Emaz et James Sacré,
parrains de cette édition,
que nous déclarerons ouverte la 30e Semaine de la poésie.


Soyez au rendez-vous tout au long de la semaine,
à Clermont-Ferrand et aux alentours !

(Le libraire communiquera le menu A la Page
dans ses prochains billets : d'ores et déjà,
le programme complet de la manifestation
est disponible près du divan rouge et à la caisse)

dimanche 5 mars 2017

Eloge de la discrétion

Luc Boltanski, Arnaud Esquerre,
Enrichissement. Une critique de la
marchandise, Gallimard, 663 pages, 29 €
Luc Boltanski et Arnaud Esquerre 
le laissent entendre dans leur dernier essai : l'artiste (au sens large de ce mot : l'écrivain, l'éditeur, le
peintre ou le chanteur) qui n'assure pas en permanence sa propre promotion en se faisant
" le commerçant de soi-même " a toute chance de ramer à l'ombre de ses confrères plus experts que lui en l'art de la mise en valeur de soi par le discours et l'image.
S'il en est un, dans un autre siècle il est vrai, qui s'avouait incapable de se faire son propre marchand et sa propre marchandise (mais on le lit encore aujourd'hui), c'est bien Giacomo Leopardi (1798-1837).
Le libraire a relevé ce passage dans un recueil de lettres tout juste paru en Rivages poche sous le titre de L'art de ne pas souffrir :
" En attendant, et comme je ne peux et n'ai jamais pu supporter qu'on me croie plus que je ne suis, ou qu'on me croie capable de ce que je ne sais pas faire, permettez-moi d'ajouter ceci. Votre idée de l' " Ermite des Apennins " est en soi très judicieuse. Mais pour que ce bon ermite puisse fustiger nos mœurs et nos institutions, encore faudrait qu'avant de se retirer dans son ermitage, il ait vécu dans le monde et joué un rôle non négligeable et non marginal dans les affaires de la société. Or tel n'est pas mon cas. Ma vie, d'abord sous la nécessité des circonstances et contre mon gré, puis par une obligation née de l'habitude, transformée en nature et devenue indélébile, a toujours été, est et sera perpétuellement solitaire (...) Ce vice de l'absence est en moi incorrigible et désespéré. "
Il n'est pas sûr que Leopardi n'ait pas souffert, ni qu'il n'ait pas connu l'amertume. Il semble avéré, en revanche, qu'il aurait été un bien mauvais " client " sur un plateau de télévision, et un boulet pour ses éditeurs qui eussent mis leurs espoirs dans sa carrière et, par ricochet, dans la leur.
Giacomo Leopardi, L'Art de ne pas
souffrir, traduction, préface et notes
de Philippe Audegean, Rivages poche,
143 pages, 7,90 €


samedi 4 mars 2017

Une soirée suisse

Joël Dicker, Le Livre des Baltimore, De Fallois poche,
595 pages, 9 €
 
Tandis que paraît en format de poche Le Livre des Baltimore, le succès de Joël Dicker, écrivain suisse romand, l'écrivain suisse d'origine turque Metin Arditi publie un Dictionnaire amoureux de la Suisse. La notice concernant Dicker se trouve en pages 157 et 158 de l'ouvrage qui nous met sur la piste de beaucoup d'autres auteurs helvétiques à découvrir ou à retrouver d'urgence. Les immanquables Charles-Ferdinand Ramuz (1848-1947), Gustave Roud (1897-1976), déjà salués par le libraire et Nicolas Bouvier (1929-1998) ou Philippe Jaccottet (né en 1925) . Mais aussi le couple que formait Corinnna Bille (1912-1979), conteuse hors pair, et Maurice Chappaz (1916-2009), deux auteurs moins célébrés. Et que dire de Georges Haldas, dont il est possible de dévorer de multiples volumes de son journal dont les journaux, d'ailleurs, parlent si chichement ?
Et de Rodolphe Töpffer (1799-1846), qui inventa la bande dessinée ?
Le billet du librairie ressemble aujourd'hui à un simple lâcher de noms, c'est vrai.
Mais iriez-vous voir du côté d'un ou deux d'entre eux que ce dictionnaire aurait déjà prouvé amplement son utilité. Le libraire peut s'en aller dormir tranquille (ou presque).

Metin Arditi, Dictionnaire amoureux
de la Suisse, Plon, 615 pages, 24 €

vendredi 3 mars 2017

Clafoutis dans l'Allier et château dans les Bois noirs

Véronique de Bure, Un clafoutis aux tomates
cerises, Flammarion, 380 pages, 19,90 €
Ce sont les quatre saisons de Jeanne. Elle va sur ses quatre-vingt-dix ans, Jeanne. Et elle confie ses pensées à son journal intime. Elle lui dit ces mots, par exemple : " Apparemment, c'est devenu à la mode de se faire brûler. Eh bien tant pis, je ne serai pas à la mode. D'abord, je veux une belle messe. Ensuite, je veux qu'on me mette en terre, pas sur un bûcher. Qu'on m'allonge doucement dans une boîte en bois et qu'on m'y laisse reposer le temps qu'il faudra, auprès de René. Je ne veux pas qu'on me réduise en cendres pour me fourrer dans une urne qui ne ressemble à rien. Ça me fait penser à la fille de Gilberte, celle qui vit en Amérique. Là-bas, je crois que c'est courant de se faire incinérer. En tout cas, elle a fait incinérer son mari et depuis elle se promène partout avec ses cendres. "
Précisons que Jeanne vit dans l'Allier et que sans cette particularité géographique, son personnage, imaginé par Véronique de Bure n'aurait peut-être pas attiré l'attention du libraire sur son cas. Jeanne a habité Vichy ; elle allait admirer le feu d'artifice du 14 juillet au bord du lac d'Allier ; elle aime les donjonnais, gâteaux avec de la meringue, de la crème au praliné et de la pâte d'amande dont la réputation n'est peut-être pas sortie du département. Elle passe l'hiver, l'hiver de sa vie, à Lapalisse, petite ville dont un mot a suffi à assurer sa célébrité dans le monde entier : le mot lapalissade, nous assure le Trésor de la langue française, " dérivé du nom de Jacques de Chabannes, seigneur de La Palice ou La Palisse (1470-1525) sur lequel on fit une chanson populaire remplie de vérités trop évidentes, dites vérités de La Palisse." Jeanne est sympathique et le roman de Véronique de Bure s'intitule Un clafoutis aux tomates cerises.
Par ailleurs, les éditions Libretto ont la bonne idée de reprendre au format de poche le roman du corrézien Robert Margerit (1910-1988) Le Château des Bois noirs. Julien Gracq fut l'un des premiers admirateurs du prix Renaudot 1951 que fut Margerit pour Le Dieu nu.
" Les nuages courant au ras du sol dépassaient la voiture haletante et la balayaient de leurs franges. Des squelettes d'arbres, des buissons apparaissaient confusément puis se perdaient entre ces grandes charpies fuligineuses. Tout n'était plus que poudre d'eau, fumée livide crevée ici par un hérisson de ronces, là par un tronc luisant dont les ramures disparaissaient dans le déferlement des vapeurs. "
On comprend à quoi tenait l'admiration  de Gracq.
Robert Margerit, Le Château des Bois Noirs,
Libretto, 260 pages, 9,70 €

 

jeudi 2 mars 2017

Utopies, contre-utopies

Alberto Manguel, Voyage en Utopies, traduit de
l'anglais par Christine Le Bœuf, Editions Invenit,
104 pages, 28 €
Les utopies ont mauvaise presse ; les utopies n'ont simplement pas de presse du tout. Tous ces principes espérance, pour reprendre l'idée d'Ernst Bloch, s'effondrent dans une désespérance largement répandue.
C'est pourquoi une invitation au Voyage en Utopies, comme celle que propose Alberto Manguel ne saurait être prise de haut ou à la légère. Les grands rêveurs d'absolu sont là. Thomas More et son empire situé nulle part ; Cyrano de Bergerac et ses Etats de la Lune ; Swift, énorme, et ses exploits de Gulliver ; Charles Fourier, le passionné considérable et son nouveau monde amoureux ; Robert Owen, Etienne Cabet, André Godin, les réformateurs sociaux et leurs phalanstères...
Le libraire n'a que deux regrets à exprimer : la brièveté des notices consacrées à chacun. La pauvreté, pour ne pas dire l'absence, de grands rêves au XXe et au XXIe siècles...
Hasard ou ironie de l'histoire, les éditions Actes Sud proposent une nouvelle traduction du classique d'Eugène Zamiatine (1884-1937) naguère connu sous le titre de Nous autres (L'Imaginaire).
Féroce satire de l'Etat totalitaire, ce roman de science fiction fut publié en 1920 et interdit à la vente en URSS. Il s'agit d'une contre-utopie, c'est-à-dire une de ces créations causées, et rendues nécessaires, par le déception ou la trahison d'un grand rêve. D'une utopie. Le pamphlet de Zamiatine est de la famille du Meilleur des mondes de H.G. Wells ou de 1984 de George Orwell.
Evgueni Zamiatine, Nous, traduit du russe
par Hélène Henry, Actes Sud, 234 pages,
21 €

mercredi 1 mars 2017

Le Centre du ventre de paris

J'aime le Centre Pompidou, Centre Pompidou,
9,90 €
Sorti de terre dans les 1970, dans une vision présidentielle de Paris fortement contestée, agrémentée, si l'on peut dire, de divers projets modernistes qui faillirent détruire nombre de symboles parisiens, le Centre Pompidou fête cette année son anniversaire.
Son  histoire est relatée dans un petit guide publié par le Centre lui-même (on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même) au titre sans nuance.
L'architecture de Renzo Piano (à qui est actuellement confié le nouveau Palais de justice) est présentée sous son jour favorable. Comme le sont les collections abritées par cette grande maison multi-fonctionnelle. Kandinsky, Brancusi, Picabia, Vasarely (hélas), Chagall (tant mieux), Martial Raysse et de nombreux autres y ont représentés.
Chefs-d'œuvre du Centre Pompidou, Centre Pompidou,
208 pages, 14,90 €