lundi 12 décembre 2016

Vive Dada !

Kurt Schwitters et Käte Steinitz, Les Contes du paradis,
traduit de l'allemand par Lucie Taïeb, Ypsilon, 38 pages, 20 €
Ma parole, le libraire aggrave son cas. Le voici maintenant qui passe du Cantique des cantiques à... Dada, mouvement artistique scandaleux, s'il en fut.
Les Contes du paradis ne sont, certes pas, une œuvre mystique. Ils furent rédigés en 1924 par Kurt Schwitters (1887-1948) et illustrés par Käte Steinitz (1889-1995) : " Tandis qu'il écrivait et lisait l'histoire à haute voix,
elle dessinait elle-même au fur à mesure,
à main levée ". Plus loin, Käte Steinmitz  évoque " son style, libéré de toute rigueur académique, qui par là même séduisait Schwitters : l'imprécision des contours, le non-respect des règles de la perspective lui permettait de rendre compte de toute la spontanéité de l'histoire ",
De cette collaboration naquit ce conte dadaïste pour les enfants dans lequel les événements absurdes s'enchaînent dans un parfait naturel, comparable à l'atmosphère des rêves. Les personnages volent, c'est normal. Les lions mangent des abricots, quoi d'étonnant, les fleurs se changent en vaches ou le contraire, et alors ? " Dans les merveilles tout est merveilleux " résume Schwitters. Ce n'est pas le libraire qui le contredira.
Les Contes du paradis sont remarquables par la place qu'y occupe la typographie, ce qui a visiblement séduit son actuel éditeur. L'on se souvient que les dadaïstes se firent une joie d'associer librement entre elles les casses de lettres et d'en faire des œuvres d'art abstraites. Schwitters ne rechigna pas à la tâche. Le fait que l'album soit entièrement conçu en noir et blanc risque de dépayser dans un moment où la couleur règne sans partage. En même temps, ce silence coloré permet une meilleure concentration sur le texte des contes.
Emporté par son élan, le libraire signale la reparution bienvenue des mémoires de Georges Ribemont-Dessaignes, dadaïste pur jus et quelque peu négligé. Déjà jadis est le titre (splendide dans sa concision) de cette fresque sans concessions, qui permet de renouer avec ce que la première moitié du vingtième siècle produisit d'artistes importants. Sans concessions, mais animée d'un grand amour de la vie, ce qui n'est pas une denrée si abondante.

Georges Ribemont-Dessaignes, Déjà jadis
ou du mouvement dada à l'espace abstrait,
Les Belles Lettres, 254 pages, 14,90 €

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